Le
Comité de Sociologie Economique et Politique
CSEP
(1972-1979)
Le CSEP,
bureau d'études sociologiques a été créé en 1972 par Michel
Marié, sociologue, pour recevoir et gérer des marchés
de recherche du Ministère de l'Equipement. Dans la mouvance
du projet de "nouvelle société", le gouvernement avait
en effet décidé de faciliter le développement d'une recherche
sociologique contractuelle aux structures légères et indépendantes
des organismes publics afin de profiter du bouillonnement d'idées
nouvelles qui se manifestait depuis 68.
Michel Marié s'en retire assez vite pour rejoindre le
CNRS. Une série de chercheurs d'origine diverse et d'intérêts
variés vont y séjourner plus ou moins longtemps. Le CSEP prononcera
sa dissolution en 1979.
Le sens général des études effectuées par le CSEP est
à rattacher au mouvement dit de "psychanalyse sociale"
(dont l’autre représentant sur le marché restreint de la recherche
contractuelle était alors le CERFI inspiré par Gilles Deleuze).
Le CSEP était en fait plus un lieu de rencontre
qu'un organisme de recherche proprement dit. Il permit à un
certain nombre de chercheurs "en rupture" d'exprimer
leur "subjectivité" et, dans l'atmosphère de remise
en question radicale des modes de pensée et d'analyse du phénomène
social qui était celle de l'époque, il favorisa les tentatives
de conceptualisation d'une nouvelle démarche sociologique.
Les chercheurs du CSEP, en quête de toute rupture de
signification, de toute déviance, se voulaient différents dans
leur façon de chercher et de dire la réalité sociale. Ils interrogeaient
la marge comme l'image même du devenir social. La "marginalisation" était à la fois
l'alibi et le moteur de l'entreprise. Les travailleurs immigrés,
les zonards, les exclus de toute sorte en furent les interlocuteurs
ou les objets d'étude privilégiés. Leur présence, leur manifestation,
leur souffrance y étaient analysés comme autant
de symptômes de la maladie sociale.
La volonté de renouvellement des méthodes d'étude
du comportement social portait pour l'essentiel sur le rapport
à la parole. Qui parle ? Qui fait parler ? Que dit-on ? Pourquoi
? Pour qui ? Comment ? L'interview est l'outil privilégié de
l'investigation. On commence à s'interroger sur les conditions
pragmatiques de l'entretien. Laissant de côté les
enquêtes statistiques et les échantillonnages, on met en valeur
les ressorts affectifs de la parole. On ne cherche pas à connaître
la pensée moyenne de la collectivité sur tel ou tel problème
mais on s'essaie à « psychanalyser » l'expression
collective. On traque les symptômes, les lapsus. On cherche
le désir inconscient derrière les manifestations stéréotypées
du besoin. On s'attache à déjouer les pièges du discours institutionnel
publicitaire, politique, revendicatif, administratif. On essaie
de révéler une parole authentique et personnelle derrière les
discours de surface.
Par-delà l’expression de la parole, on veut rendre manifeste
la présence du désir. On découvre peu à peu que la parole de
l'un n'est que la manifestation du désir de l'autre et que l'interviewé
bien souvent ne fait qu’un commentaire complaisant de la question
de l'interviewer.
On renonce enfin aux termes de discours dominant et de
discours dominé au profit des termes de discours institutionnel
ou institutionnalisé et de parole déviante ou de témoignage
brut. On comprend que l'institutionnalisation de la parole
est dans la nature même du langage et que la puissance
de la parole et du discours est liée paradoxalement à
la fois à sa capacité de mettre en crise les idées reçues et
de devenir ellemême un stéréotype.
On se met dès lors à construire des modèles explicatifs.
La démarche cesse d'être analytique pour devenir synthétique,
déductive. On élabore des scénarios – imaginaires – qui
rendent compte du fonctionnement de tout ou partie de la machine
sociale. On fait un travail très proche de celui réalisé par
la publicité ou le film de fiction. On propose un modèle d'explication
de l'objet social et on le confronte ensuite au jugement des
usagers...
Cette démarche devait conduire tout naturellement
à l'expérimentation du cinéma comme support
de recherche. Fort de mon expérience de la production et de la réalisation
à la télévision scolaire, du Mali, j'élabore un
projet en ce sens qui donnera naissance à deux documentaires :
« Métropolitain 77 » et
« Souvenirs
de banlieue ».
Jean-Paul Desgoutte
Programmes
de recherche élaborés dans le cadre de l'Action
Thématique Programmée Socio-Economie des Transports,
1977-1979, sous le responsabilité de Thomas Regazzola
et Jean-Paul Desgoutte :
Métropolitain
77 : le métro, un espace modèle
de comportement, (1977)
Souvenirs
de banlieue : Intériorisation
de l'histoire migratoire et scénario possible d'une mutation,
(1978)
Le
renouveau des villes moyennes (1979).
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