LA
MAGIE DU SIGNE
De
tout temps les communautés humaines ont ménagé
une place privilégiée aux symboles qui sont à
la source même de toute écriture. Elles accordent même
à certains objets naturels la vertu d'être les messagers
de l'ailleurs (on pense à l'arc-en-ciel, aux coquilles des
tortues, aux lignes de la main, aux traces que laissent les pattes
des oiseaux sur le sable ou celles du renard dans le jardin divinatoire
des Dogons
)
Les
premiers signes avaient sans doute une fonction religieuse ou magique.
Ils permettaient autrement dit de mettre en relation l'ici et l'ailleurs,
le visible et l'invisible, le présent et l'absent (ce qui est
une assez bonne définition du symbole en général).
Le symbole, dans la tradition grecque, est le tesson de poterie qu'on
casse en deux morceaux pour sceller un contrat. On peut évoquer
également le bout de bois qu'on brise, lors d'une séparation,
figure d'éternité qui garde la mémoire du départ
et anticipe les retrouvailles.
Le
signe à l'origine ne se sépare pas complètement
du geste qui le trace ou du référent dont il est censé
conserver les vertus. Les peintures rupestres (mais également
les multiples gravures ou motifs décoratifs attachés
à la poterie, au maquillage et à l'habillement, aux
armes, à l'habitat, les totems, etc.) sont réputés
posséder des vertus magiques. Il en est de même du mot
proféré, le nom dont on baptise les gens et les choses
pour les introduire à la communauté symbolique.